Le Ki, souffle vital au cœur de la médecine traditionnelle japonaise, est un concept aussi fascinant que difficilement saisissable. Chaque personne qui s'y intéresse emprunte un chemin unique pour le découvrir et l’expérimenter.
Certains expérimentent ses manifestations à travers la pratique du shiatsu, d'autres par la méditation ou le Qi Gong. Les arts martiaux japonais offrent également une voie privilégiée pour explorer cette notion fondamentale.
Il n'existe pas de méthode unique ou supérieure pour appréhender le Ki. Chaque approche a sa valeur et permet d'éclairer une facette différente de ce concept complexe.
C'est la diversité de ces expériences qui nous aide collectivement à mieux le comprendre.
Aujourd'hui, je souhaite partager avec vous le témoignage de Corinne Diserens qui dialogue avec le Ki à travers la pratique du Kinomichi, ou Voie de l’énergie vitale.
Son récit illustre comment une discipline corporelle peut ouvrir la porte à une perception subtile de l'énergie qui nous anime et nous relie.
Voici son histoire :
« C'est en 1979 que je poussai la première fois la porte d'un dojo à Lausanne : en une seconde, ce fut une révélation. Une voix résonna à l'intérieur de moi et me dit que j'avais désormais trouvé ma maison…
À l’époque, j'avais beaucoup d'énergie à dépenser et surtout à apprendre à canaliser, et je rêvais de faire du Kendo. Un ami m’en dissuada et m'incita à assister à un cours d'Aïkido. S’enchaîna une pratique assidue d'une quinzaine d’années, ponctuée de nombreux stages dans toute l'Europe auprès de Maîtres japonais aguerris, en particulier Tada Sensei.
J'ai entraîné mon physique (qui n'avait rien d’exceptionnel), j'ai perfectionné ma technique en passant les grades les uns après les autres, rien ne pouvait remettre en question cette pratique qui était au cœur de ma vie. Sauf que…
Un jour, nous entendîmes parler de la venue exceptionnelle en Suisse de Hikitsuchi Sensei, 10e Dan d’Aïkido. Et là, le choc : ce Maître était pure Énergie, il ne faisait quasi rien et, comme le vent, renversait des montagnes. Nous décidâmes, après avoir effectué un stage qui nous révéla à quel point nous n'en étions encore qu'aux balbutiements, de suivre l'enseignement d'un de ses proches disciples, Gérald Personnier, également danseur de son état.
Une aventure était née qui pris le nom de Kokyunomichi : une recherche pendant dix ans d'un Aïkido non formel, où l'énergie se déployait au-delà des mouvements imposés, dans la recherche de la forme « juste », de la
« véritable » relation. Merveilleux terrain de liberté au sein duquel nous avons fait le choix conscient de laisser tomber les Dan ainsi que notre hakama et où nous avons symboliquement privilégié la tenue blanche des débutants.
Nouveau choc et nouveau virage en 2004 : ma rencontre avec le Kinomichi, art du mouvement créé par Noro Sensei en 1979 et que j'enseigne depuis plusieurs années à Genève.
Noro Sensei est arrivé à Marseille en 1961, envoyé par son maître Ueshiba Sensei, fondateur de l'Aïkido. Sa mission était d'apporter et de développer cet Art en France et en Afrique du Nord, ce qu'il a fait en ouvrant rapidement de nombreux dojos. Mais c'est à la suite d'un grave accident de voiture en 1966, où on lui annonce qu'il a peu de chance de recouvrer à jamais l'usage de son corps, que tout bascule. Il fait alors des rencontres déterminantes (Karlfried Graf Dürckheim - auteur du livre « Hara », la Dresse Lily Ehrenfried - fondatrice de la gymnastique holistique, le Père Jacques Breton, entre autres) qui vont l'aider à dépasser cette épreuve et qui le conduiront à redéfinir les bases mêmes de sa pratique au point d'en changer le nom. Le Kinomichi était né : plus qu'un prolongement, une émergence de l'Aïkido.
Kinomichi : la voie de l'énergie vitale ou les sentiers du Ki.
Si le Kinomichi s'apparente pour certains à une méditation en mouvement, sa pratique est avant tout un chemin de libération de nos propres tensions afin que plus rien ne fasse obstacle à la circulation du Ki : un travail du corps par le corps à la rencontre d’un, d'une ou de plusieurs partenaires par des mouvements lents ou au contraire très dynamiques, où la dimension martiale est évacuée au profit d'une relation de cœur à cœur.
J’y ai retrouvé la question qui m'accompagne depuis le début, à savoir ce qu'est une relation « juste ». Au Kinomichi, l'enjeu consiste à engager la totalité de soi-même dans le geste, ce dans une relation Terre-Ciel où les mouvements prennent vie à travers la spirale.
Pour donner un exemple, ce n'est pas ma main qui agit sur mon partenaire dans un souci d'efficacité mais c'est tout mon être qui vient vers lui par ma main dans une recherche d'harmonie, et c’est cela qui change tout.
Tel un arbre, je me déploie dans l’espace, en libérant mon espace intérieur, afin d' accueillir l'autre tout en m'adaptant à ce qu'il est ou n'est pas.
Les maître mots de Noro Sensei sont : ESPACE - CONTACT. Il n'y a rien à ajouter.
Éternelle répétition qui, à chaque instant, me permet d'ouvrir des portes menant, petit à petit, à la transformation de mon être profond. »
Dans le souffle de la présence
Et la joie partagée
La transparence de l’être
Corinne Diserens, été 2024
*********
Quand j’ai lu ce texte, j’ai été frappée (et émue, on ne se refait pas…) en constatant que nos différentes pratiques, qu’elles soient conduites sur le tatami d’un dojo, le futon d’un cabinet ou dans l’assise silencieuse du Zazen, aspirent finalement toutes au même dessein : une posture entre Terre et Ciel, une adaptation continuelle nécessitant d’être dans l'ici et maintenant, une libération de l’Espace, du Macrocosme au Microcosme, pour permettre une circulation du Ki sans encombre.
L'expérience du Ki à travers le Kinomichi, comme nous l'avons lu dans ce magnifique texte de Corinne Diserens (merci 1000 x, Corinne!), n'est qu'une des nombreuses façons de percevoir et de comprendre ce souffle vital. Chaque parcours, qu'il passe par le Kinomichi, les arts martiaux, le Shiatsu, l’Ontake ou d'autres pratiques, apporte une perspective unique et précieuse.
En tant que praticienne de Shiatsu et d’acupuncture, je suis constamment émerveillée par la diversité des chemins qui mènent à la découverte du Ki. Cette variété d'expériences nous rappelle que le Ki est un concept vivant, dynamique, qui se manifeste à l'infini.
Que vous soyez novice ou pratiquant expérimenté, je vous invite à rester ouvert, curieux et humble dans votre propre exploration du Ki. Car c'est dans cette ouverture d'esprit que réside la clé d'une compréhension plus profonde de cette force qui nous anime tous.
N'hésitez pas à partager vos propres expériences du Ki dans les commentaires! C'est en échangeant nos perspectives que nous enrichissons notre compréhension collective de cette fascinante énergie vitale.
Prenez soin de vous!
Opmerkingen