La moxibustion est une des techniques fondamentales des médecines traditionnelles d'Asie de l'Est ou TEAM (Traditional Eastern Asia Medicine), au même titre que l’acupuncture ou la pharmacopée. En très très bref, la moxibustion, c’est l’art de brûler l’armoise séchée. Si la partie « bustion » du mot est évidente (c’est le bustion de combustion, ou l’action de brûler par le feu), laissez-moi vous éclairer sur le « moxi » de la chose : moxi vient du japonais もぐさ, prononcé mogusa, et qui signifie « feuille séchée d'armoise commune ». Mogusa est devenu avec le temps moxa et voilà comment le mot moxibustion est né!
Puisqu’on parle d’armoise, voici quelques « fun facts » à propos de cette plante : l’armoise, ou Artemesia de son petit nom latin, regroupe près de 400 espèces présentes sur quasi tous les continents : Europe, Asie, Afrique. En Suisse, on trouve entre autre l’armoise commune, souvent en bordure des champs. Cette espèce a des propriétés intéressantes, notamment concernant la sphère gynécologique (dysménorrhée, troubles de la périménopause…), à consommer séchée en tisane ou décoction.
Les vertus de cette plante sont multiples et connues depuis l’Antiquité. L’armoise commune était surnommée « la mère des herbes » et, au Moyen-Âge, cette plante médicinale et protectrice faisait partie du matériel de base des « sorcières », notamment pour ses propriétés emménagogues. Elle avait également la réputation d’éloigner les dangers : ainsi, on en mettait quelques feuilles sous le pied, dans la chaussure, quand la route était particulièrement longue, pour éviter tant la fatigue que les brigands en embuscade.
Actuellement encore, des recherches sont en cours dans plusieurs pays pour étudier l’action de cette plante dans la lutte de plusieurs maladies. Youyou Tu, une scientifique chinoise, a obtenu le prix Nobel de médecine en 2015 pour ses travaux qui ont mis en évidence les vertus antipaludiques d’un des composés de l’armoise annuelle. On n’a certainement pas fini de découvrir toutes les vertus de cette plante pourtant si simple!
Sur une note plus légère, vous saurez que c’est avec l’armoise qu’on fabrique le génépi et
l’absinthe…
Mais ne nous égarons pas et revenons à la moxibustion, ou l’art de brûler l’armoise séchée!
Cette technique se décline en plusieurs méthodes d’application, qui ont des sources principalement japonaises et chinoises, et des indications différentes.
La moxibustion peut chauffer, évidemment, faire circuler (le Qi, le Sang, les liquides) mais également tonifier, disperser et même, dans le cadre d’une technique japonaise bien précise, supplémenter le Qi.
C’est une méthode qui est un véritable monde en soi. On peut bien-sûr l’appliquer conjointement avec l’acupuncture ou le shiatsu, mais on pourrait véritablement mettre sur pied un traitement complet en ne s’appuyant que sur la moxibustion.
J’ai la chance de travailler seule et d’avoir un excellent système d’aération dans mon cabinet, ce qui me permet de pouvoir pratiquer la moxibustion autant que je le souhaite sans déranger ou enfumer des collègues/voisins. Car un des corollaires de cette méthode, c’est la fumée dégagée ainsi que son odeur très caractéristique.
Mais lorsqu’on sait que la fumigation et l’odeur sont indissociables de la réussite du traitement, on accepte mieux cet aspect un peu envahissant de l’armoise qui brûle.
Comme dit plus haut, la moxibustion regroupe plusieurs techniques ou supports : il y a les cigares de moxa, les boîtes à moxa, le chinetskyu, l’okyu, les techniques de moxibustion tibétaine, le moxa sur sel et/ou sur gingembre ou encore sur ail, les moxa autocollants, l’ontake, les moxas sur aiguilles, la moxibustion sur ventouse mongole, les lunettes pour la moxibustion des yeux…
Entre vous et moi, je suis émerveillée au quotidien par les immenses possibilités de cette méthode ainsi que par son côté un peu magique…
Si la plante est toujours la même, sa qualité et sa pureté varient au gré des techniques. Dans les cigares de moxa, par exemple, l’armoise n’est pas très raffinée et contient pas mal de «déchets» sous la forme de petites brindilles, ce qui va permettre une chaleur intense. A contrario, quand on pratique le chinetskyu, on utilise une armoise plus pure, car dans cette technique, on pose la plante a même la peau, il est donc important que la température soit moins importante.
Il n’y a pas de technique mieux qu’une autre, tout dépend de l’objectif visé. Si je pratique toutes ces méthodes, j’ai quand même mes « chouchous » : Ontake et chinestkyu, deux formes de moxibustion qui sont de véritables merveilles, tant dans la forme que dans l’esprit. Cela fait très longtemps que je n’ai plus fait de séances d’acupuncture sans les inclure dans le traitement.
La moxibustion n’est pas douloureuse, pas invasive et permet un travail puissant et doux à la fois. Les moxas, quelque soit l’outil utilisé, apportent une véritable sensation de relaxation tout en permettant un vrai traitement de fond.
Sources :
- Moxibustion : a modern clinical handbook - Lorraine Wilcox, L. Ac., éd. 2009
- The Moon over Matsushima - Merlin Young, éd. 2012
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